Danser Tadoussac : « Point of view » de festivaliers
On a marché, chanté, dansé, crié à s’époumoner « Tadou! » tout le week-end. On vous offre l’accès à notre journal de Festivaliers: une vue de l’intérieur sur la 40e édition du Festival de la chanson de Tadoussac.
Festival
de la chanson
de Tadoussac
Traverser le Fjord
74km de route la face au vent.
Oui, on a pleine conscience d’être du petit nombre des chanceux qui ont Tadou presque dans la cour arrière: un grand privilège! D’autant que c’est le plus beau morceau de chemin, à notre bien impartial avis; la 138 est « pas laitte pentoute » entre La Malbaie et le Fjord! Même qu’on irait jusqu’à dire que les communément dites « 7 côtes », entre Saint-Fidèle avec son fromage « squick-squick » et le village côtier de Saint-Siméon, offrent des vues en plongée qui donnent envie de crier ses meilleures « tounes de char », les fenêtres grandes ouvertes. C’est dans cet état d’esprit qu’on prend le volant, lunettes soleil pour les UVA et UVB, le coeur léger et le coffre bien chargé… Looks de festival, glacière pour les snacks, sac à dos, canif « multi-tool », K-way rose fluo: nous voilà prêts à toutes éventualités! Même à celle d’une bonne file pour la traverse… Mais, oh joie, la Société des Traversiers du Québec gère ça comme des pros, tout est sous contrôle et on a à peine le temps de couper le moteur deux minutes pour apprécier la vue que la courte file s’active et qu’on embarque déjà. Et disons le, prendre le bateau donne tout de suite un « feeling »; entre les monticules rocheux de Baie-Ste-Cath et de Tadou, on décroche solide! Le capitaine y va de ses recommandations, le phare caractéristique nous salut du large, les bélugas virevoltent sous la surface et même si l’air est bon au beau milieu du fjord, on a hâte de toucher quai et de festivaler! On en entend presque déjà l’écho alors que les lumières vertes signalent le débarquement. Bonjour Côte-Nord! Tadou on est arrivé!
Party de village
Nous voilà prêts à faire du minuscule village côtier, connu entre tous pour ses baleines et dont le nom ornait de nombreux bouts de carton de « pouceux » sur le long de la 138 il y a encore 2-3 décennies, notre camp de base pour un week-end de festivités! Si le hameau de quelques 800 habitants se gonfle avec orgueil de quelques milliers de personnes le temps d’un week-end à chaque mois de juin depuis 40 ans, cette édition anniversaire et sous une nouvelle administration est pleine de promesses! C’est ce vent frais d’espérance de vivre la meilleure fin de semaine de notre vie qui souffle alors qu’on démarre notre tour de reconnaissance à Tadou. Garer la voiture et marcher tout du long: voilà le plan de match pour connaître toutes les « trails », tous les raccourcis et se prendre pour de vrais habitués… Puis aussi un peu pour brûler la poutine qu’on vient de s’enfiler chez Le Connaisseur, la roulotte à patates frites locale! Billetterie, bracelet, un coup d’oeil aux différentes scènes, un grand détour dans le bois qui nous fait découvrir un escalier très pratique pour la suite, mais pas du tout pour tout de suite… Go! On est prêt pour un premier show!
De la musique
plein les oreilles
Le jour, ça se joue entre les scènes côté jardin, avec leur verdure et le feeling « cour arrière », les tête-à-têtes entre artistes dans la chapelle protestante ou carrément la plage. Couchés dans le sable fin, à quelques mètres à peine de la scène, on plonge définitivement dans le mode « vacances » transporté par la musique de Douance ayant composé une part de son répertoire à Tadoussac, d’Allô Fantôme dont on salue la présence de flûtes traversières et le look vintage du batteur, ou d’autres bands formant une relève musicale rafraîchissante.
Le vent doux du large est bien capable de se jouer de la météo et les nuages vont et viennent vite à Tadoussac, de même que les degrés disparaissent mystérieusement en fin de soirée, mais tout de même quelle chance nous avons eu pour cette 40ième édition! C’est sous un soleil ardent qu’on a dansé au son des platines des gars de Qualité Motel le temps d’un « beach party » qui restera longtemps dans les mémoires du festival! Des bénévoles munis de casquettes visières en plastique translucide colorées bombardaient la foule d’un impressionnant flot de bulles de savon avec des engins à rendre tous les enfants verts de jalousie! Là un couple jouait les acrobates improvisés. Ailleurs, un chien carlin en plastique arborant un beau look disco « bling-bling » allait de mains en mains au dessus de la foule rythmé par l’improbable DJ set de Qualité Motel oscillant entre du Shakira et du Gabrielle Destroismaisons, les « On t’aime Tadou », « Shut out au fleuve » et « Est-ce que c’est du persil de mer que je vois là bas? » …Les amateurs de Qualité Motel reconnaitrons peut-être là l’approche maritime originale ayant servie à envoyer le fameux « C’est pas du romarin c’est du basilic » !
Quand finalement les amplis se taisent et qu’on remonte en masse la petite pente de la plage jusqu’au niveau de la rue, ce sont fanfares ou artistes locaux acoustiques qui nous accueillent et comblent à leur tour le silence en direct du petit gazebo, pavillon sur la promenade de bois. Si certains osent bloquer la route aux voitures pour aller jouer de l’autre côté de la rue et même entrer poursuivre leur prestation dans les cafés, bars et bistros du coin, certains spectacles y sont carrément programmés. Ainsi, les fins de pm glissent vers les soirées autour d’une pinte de la microbrasserie Tadoussac ou au rez-de-chaussée du rose Le Gibard (le nom localement donné aux épaulards par les anciens, parce que oui, il y a une cinquantaine d’années ils étaient encore occasionnellement présents jusqu’aussi haut dans le fleuve).
Une pizza, justement du Gibard, un fish and chips de chez Mathilde Express ou un pique-nique sur la plage plus tard, le moment est venu de gagner une des scènes de la soirée. L’église et son étonnante architecture ont accueillies au fil des jours de festivités Dominique Fils-Aimé avec son énergie positive et apaisante, Marjo et ses grands classiques du rock québécois, puis Elisapie, en majesté sur la scène.
L’artiste du Grand-nord nous y a offertes avec noblesse, beauté, énergie et émotions les pièces de son album Inuktitut reprenant de grands succès du répertoire de Metallica autant que de Cyndie Lauper traduits par ses soins dans sa langue maternelle. On salut (Kwei!) d’ailleurs la présence de plusieurs artistes des premières nations! Un bon coup, tout simplement pour leur talent, mais aussi pour reconnaître la présence culturelle et importante des communautés voisines d’Essipit et de l’ensemble du territoire Nord-Côtier. Parmi les artistes autochtones au rendez-vous de cette 40e édition, un nom à retenir: Soleil Launière, venant tout juste de recevoir le prix des Francouvertes. Alliant français et Innu-Aimun sa musique puissante autant que planante a empli les murs du Pub de la Micro, prestation qu’elle a d’ailleurs offerte entourée de musiciens biens connus des Charlevoisiens: Vincent Carré et Chloé Lacasse.
Nos soirées tadoussaciennes auront aussi été marquées par le retour de l’Auberge de Jeunesse dans la programmation du festival dont elle a connu les premiers pas. Après quelques années sans accueillir de show, voici qu’on avait pas hésité cette année à empiler tout le mobilier, divan et « lazy-boy » compris, sur la galerie avant pour libérer la salle inaugurée ce soir-là au nom du fondateur du Festival de la chanson de Tadoussac: André Tremblay. La foule s’étant réunie là a vu l’ambiance s’échauffer dès les premiers coups de « drum » de la performance de Mehdi Cayenne, seul avec son batteur (affublé d’oreilles de lapin). On nous avait promis une bête de scène et nous avons été servis comme jamais! Mehdi a conquis les festivaliers avec son look de dandy, tantôt clamant une poésie hautement politisée, tantôt envoyant des vers d’oreilles puissants, aux rythme envoutants, en une danse déjantée. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’on y a découvert un artiste qui s’invitera désormais dans toutes nos « playlists »!
Après une courte pause dans la cour intérieure s’articulant autour d’un mat de bateau, c’était au tour de la formation Rau_ze de prendre la scène de la salle encore plus remplie. Il faut dire que le groupe émergeant a conquis les ondes radio et un joli nombre de disciples depuis la sortie de son premier album il y a quelques mois. Autour du duo composé de la chanteuse Rose Perron et du claviériste Félix Paul, un « band » complet permet de recréer sur scène toute la richesse musicale de leurs pièces, saxophone et flute traversière brillament joués par Antoine Bourque inclus. La salle a dansé, un peu trop même à en croire les mouvements inquiétants du plancher, sur les titres R&B actuels, frais, travaillés et d’une magnifique écriture de Rau_ze. Bref, toute une soirée de présence scénique décoiffante!
Après tout ça, ni l’air qui se rafraîchit, ni le cumule dans nos jambes des pas de marches et de ceux de danse, n’auront raison de notre volonté de profiter au maximum de l’offre musicale du Festival de la chanson de Tadoussac. Nous voici de retour dans l’espace jardin joliment décoré de guirlandes de lumières, de pompons de tissu colorés et de roues de bicycle, abritant les deux scènes Hydro-Québec. Vers 22h, c’est sur le plus gros « stage » de la place que ça se passe. Et que ça déménage! Philippe Brach, avec son éclatante folie qui donne envie de le qualifier de « fou braque » quand il invoque de sa voix puissante « Crystel » en peignoir brun et énorme chapeau rouge à taches blanches.
P’tit Belliveau et sa bande de musiciens passant du look chapeau de cowboy et chemises carottées, à des petits bonnets de grenouilles ayant un air de Kermit familier, avant de finir le « set » en bedaine. Déjà, on se doutait bien que l’artiste du Nouveau-Brunswick était plein d’humour avec les textes de « J’aimerais d’avoir un John Deere » et « Income tax », pour ne nommer que ces deux là, et on le constate hors de tout doute avec son break syndical en plein milieu du show ou encore le rappel mené par un de ses musicien qui offre une version chantée et mimée de « L’arbre est dans ses feuilles », allant même jusqu’à faire asseoir toute la foule par terre! Côté party et musique, ici, « quand y’en a plus eh bien y’en a encore » comme on dit! Passé minuit, c’est dans le sous-sol de l’église que ça se passe pour faire durer la nuit sous la boule disco avec, entre autre, The Breastfeeders. Autant vous dire que les festivaliers se faisaient plus rares tôt le matin, d’avoir trop fêté, trop dansé, jusqu’aux petites-heures.
Avant de quitter la rive de Tadoussac pour mieux regagner celles de Charlevoix, on a encore cette soif de « sucer toute la moelle de la vie » et on profite donc des derniers rendez-vous de ce week-end inoubliable. Après un bon brunch tardif sur la terrasse ensoleillée du Café Bohème, on continu de se laisser guider par les échos musicaux qui volent encore d’un bout à l’autre du village; des crans rocheux de la pointe où des artistes attendent les marcheurs à deux points du parcours et où les baleines passent faire un « coucou », jusqu’à la petite scène du jardin où un flamboyant Alphonse Bisaillon envoie avec fougue les derniers morceaux du festival. Lequel prend officiellement fin dans le sous-sol d’église devenu cabaret le temps d’un match d’improvisation musicale mené par la ligue de la ville de Québec. L’animation est réussie et amusante, le juge nous donne vraiment le feeling de revivre les grands moment de la LNI, les joueurs étoiles expérimentés sont multi talentueux et s’y greffent des participants du festival, dont deux membres du groupe Germaine à la podorythmie et à la gigue, des disciplines plutôt insolites dans le contexte mais avec lesquelles elles auront su se distinguer. Avec des thèmes comme « le festival des violons d’automne », mammifères marins, musique de chambre, le rock à travers les époques, les joueurs nous auront faits rire, auront joués la carte tantôt de la suavité, tantôt de la femme orchestre, toujours avec aplomb!
On a viré loin, volé haut
Touché le top des tours d'Hydro
On a crinqué nos ressorts jusqu'à ça pète
Craqué nos corps comme des allumettes
Pas de break
(…)
On va revenir à la nage, c'est mon last call
Avant de virer nos vies à l'envers
Une façon de dire au revoir au festival dans le grand plaisir plutôt que par la nostalgie, qui, quand même, n’a pas manqué de nous atteindre alors que la vie reprend son cour de notre bord de la traverse… Nous ressasserons les souvenirs de l’édition 40e anniversaire du festival de la chanson, une canette de bière de la Microbrasserie Tadoussac ou un drink nord-côtier à l’argousier de St-Pancrace en main, dans l’attente de se refaire une virée, juste à temps pour Les soirées d’été au jardin (Simon Kearney, Joe Bocan, Émile Bilodeau et plus) ou même cet automne pour Le petit rappel mettant en vedette Avec pas d’casque!