Tradivore
Oui, les tendances culinaires ne manquent pas: le locavorisme, le crudivorisme, le végétarisme… Mais on aimerait quand même, nous aussi, instaurer un nouveau mouvement, le tradivorisme, le temps de renouer avec la culture culinaire charlevoisienne traditionnelle en 6 plats de nos grand-mères!
Ah! Une maison d’antan, dans un village Charlevoisien. Des pommiers centenaires dans la cour, du linge fraîchement lavé qui sèche sur la corde, secoué par le vent d’été. Une véranda couverte, une porte moustiquaire qui s’ouvre sur le cœur de la maison: la cuisine! Une table de bois capable d’accueillir toute la grande famille. Peut-être même une cuisinière au bois, une glacière et une baratte selon l’époque… Mais surtout (surtout!) cette figure maternelle, forte, réconfortante, s’essuyant les mains farineuses sur son tablier; la grand-mère charlevoisienne! Puis, flottant dans l’air, un parfum de nostalgie! Nourrissons-nous de traditions et revisitons ensemble la culture culinaire charlevoisienne en 6 plats de nos grand-mères!
1. Bouilli de légumes
Quand les récoltes battent à plein régime et que les légumes l’alourdissent les plants du jardin, c’est le moment d’un bon bouilli! Un plat d’été qui laisse toute la vedette aux saveurs des légumes traditionnels, presque natures, ajoutés à tour de rôle selon le temps de cuisson à un bouillon léger formé par la cuisson d’un rôti de palette immergé dans la plus grande marmite ou cocotte qu’on puisse trouver! Oignons, carottes, navets, choux, pommes de terre nouvelles, fèves jaunes attaché en petits ballots et demi épis de maïs: pas de doute, on a besoin d’espace pour faire mijoter tout ça! Avec une touche de vinaigre ou de Dijon dans l’assiette, ou même des betteraves marinées, voilà le genre de plat qu’on a plaisir à retrouver à pareille date et à chaque année! Et c’est tant mieux puisqu’on en mange généralement durant quelques jours afin d’écouler tous les restes, qui gagnent d’ailleurs en saveur lorsque réchauffés…
-On fait le plein de légumes de saison aux Jardins Echo-Logiques et on achète sa pièce de viande de Bovins Charlevoix à la boutique des Viandes Bio de Charlevoix.
2. Soupe aux gourganes
Cette légumineuse verte s’est taillée une place dans l’identité culinaire charlevoisienne alors qu’elle est très peu connue ailleurs au Québec, sauf au Saguenay Lac-Saint-Jean, région ayant été à l’origine colonisée par des Charlevoisiens. Mais quelle est donc cette fève locale? Il s’agit en fait de fève de lima, aussi connue sous le nom d’haricot des marais, originaire du Pérou. Son apparence diffère puisqu’ici on se la procure fraîche, en cosse, plutôt que séchée. Il est donc de coutume, à la fin de l’été de se procurer une pleine poche de gourgane qu’on écossera, en se berçant sur la galerie pourquoi pas, dévoilant ainsi le large pois vert tendre. On le mange comment? Traditionnellement dans une soupe à base d’os ou de lard (un bouillon fera très bien l’affaire) avec de fins morceaux de légumes (oignons, céleri et carotte), certaines familles la font plus herbacée, certains y mettent des bouts de lardons, parfois des nouilles, parfois de l’orge perlé, parfois rien. Dans tous les cas, le résultat est une soupe nourrissante grisâtre mais qui parle à notre âme charlevoisienne! Pas certains de craquer pour la texture de la grosse fève? Il est aussi possible de la passer au mélangeur et de la crémer légèrement.
-Les gourganes sont disponibles toutes l’année, écossées et sous-vide, dans les congélateurs de la ferme Les jardins du centre aux Éboulements.
3. Tourtières
Avez-vous bien retenu vos leçons au point précédent? Les 21 colons de Clermont, dans Charlevoix, ayant défriché et habité les premiers la terre qui deviendrait ensuite la région du Saguenay Lac-Saint-Jean ont amené avec eux de nombreuses traditions, dont la tourtière. Non on ne parle pas du pâté de viande, qu’on aime beaucoup aussi d’ailleurs format tarte, format moule à muffin ou même rabattu en forme de chaussons (le fameux pâté croche de l’Isle-aux-Coudres), mais bien de la vraie tourtière de chez nous. Grande comme une cocotte de fonte ou une rôtissoire, la tourtière traditionnelle est constituée d’une épaisse couche de pâte brisée, remplie d’une préparation de cubes de viandes macérés depuis la veille dans un mélange d’oignons, de sel, de poivre et de mélange 5 épices ou d’une touche de cannelle. Si on y va parfois pour la facilité d’un mélange de porc et de boeuf, les familles de chasseurs y ajoutent volontier de l’orignal ou y préfère carrément un mélange d’orignal, de lièvre, de perdrix, de chevreuil, selon les prises! À la viande, on mélange dans la pâte une belle quantité de cubes de patates. On met un peu d’eau avant de refermer la pâte et de la cuire longuement, des heures durant, dans l’attente du réveillon oui, mais pas seulement… La tourtière est un classique de toutes les occasions! Ne soyez pas surpris si deux personne se chicanent le même morceau pour avoir la tête de lièvre, puisque certaine famille place la dite tête dans un coin pour pouvoir en manger les abats.
-Vous voulez connaître cet iconique pâté sans avoir à vous même chasser les bêtes ni passer des heures aux fourneaux? Chez Truchon à la maison en propose une au bon goût traditionnel selon la recette de famille du chef Dominique Truchon, qui n’attend que vous dans les congélateurs la Boutique Charlevoix, porte voisine de l’auberge Chez Truchon.
4. Salade à la crème
Les laitues frisées aux feuilles craquantes et tendres étaient légions dans les jardins des familles nombreuses charlevoisiennes. Elles étaient d’une fraîcheur qui faisait du bien et contrastait joliment après des mois de légumes racines ramollis par le temps passé au caveau. On la mangeait à la crème fraîche, avec de la ciboulette ou de l’oignon vert ciselé, parfois un jet de vinaigre offrant un léger caillé à la crème, toujours une belle quantité de sel et poivre. La touche typiquement grand-mère? Des petits cubes de carottes et jeunes navets bouillis, petits pois, tomates, concombres et pied de céleri finement hachés.
-Visitez les marché publiques d’un bout à l’autre de la région afin de remplir votre sac ou votre panier de primeurs maraîchères!
5- Tarte fraises et rhubarbe
Les grand-mères et la pâte, c’est un duo inséparable! Si la tarte au sucre est un classique québécois qui a aussi sa place au soleil dans la région de Charlevoix, la campagne généreuse en fruits des champs était aussi une belle source d’inspiration pour les desserts d’antan! Nos grand-mères collectionnaient les contenants vides pour aller les remplir à travers champs ou boisés en allant aux bleuets, aux framboises, aux petites fraises (oh! le régal pour lequel il fallait s’armer de patience)… Les maisonnées avaient souvent aussi leurs propres plants de fraisiers et leur talle de rhubarbe inspirant la classique tarte, parfaite balance entre l’acidité de la tige de rhubarbe et le sucre des fruits rouges bien mures! Une fois plusieurs belles tartes faites, s’il restait des découpes de pâtes, on faisait alors plaisir à tous avec une gâterie au nom cocasse: le pet de soeur! Ces petits roulés de pâte et de cassonade mangés chauds et frais étaient surement une ruse pour aider à patienter le temps que les tartes refroidissent au bord de la fenêtre, parce que les ouïe-dires tendent à raconter qu’il n’y a pas que dans les dessins animés que celles-ci se faisaient dérober… Dans nos vieilles maisons aussi!
-Pour les tartes, pets de soeurs et pâtés en tous genres c’est à la Boulangerie Bouchard à l’Isle-aux-Coudres qu’on peut retrouver ce vrai bon goût d’antan!
6- Ketchup aux fruits et ketchup vert
Pour se préparer à traverser les longs mois d’hiver, une des façons de continuer à faire le plein de vitamines était bien sur d’encanner le plus possible d’ingrédients frais et colorés de l’été. Alors que celui-ci commence à tirer à sa fin, les récoltes sont les plus abondantes et les pleines marmites aux saveurs variées bouillonnent sur les ronds du poêle avant de prendre place dans de multiples pots "Mason". Pour les légumes, on y met beaucoup de vinaigre, pour les fruits beaucoup de sucre. Et puis, entre les deux se trouve cet étrange chutney aigre-doux: les ketchups maison. La version rouge n’a rien à voir avec le produit de Heinz, les gros morceaux de tomates, d’oignons et de céleris y côtoient les fruits du verger, comme les pêches. Il accompagne, avec son comparse le ketchup vert, fait de tomates encore vertes, les pâtés, tourtières, rôti de porc et autres plats en cocotte. De délicieux cannages qui s’empilaient autrefois dans les chambres froides avec les pots de betteraves et les confitures, qui régalent à l’année les becs sucrés sur une bonne tartine de pain sortie du four à bois!