Galerie d'art Au P'tit Bonheur

Le rêve cultivé par la famille Tremblay, hôtes généreux juste ce qu’il faut d’amicaux, avec une belle part de chaleur autant que de sophistication, frôlant l’excentrisme à la façon qu’ils ont d’être passionnés sans limite…  On y entre comme on visite les amis, les parents… ­Accueillis, ­débarrassés de nos manteaux et autres encombrants, on commence à jaser devant le grand ­escalier avant de passer d’un salon à l’autre à la rencontre des ­univers créatifs des artistes des quatre coins du ­Canada qui, à la façon dont on en parle avec affection, sont les enfants prodiges de cette belle maison. On y laisserait couler des heures sans compter les minutes, à écouter Marie-Ève nous parler des artistes avec qui elle ­entretient des liens étroits, nous raconter les anecdotes de ses échanges avec ceux-ci, comme une ­façon de voir l’humain derrière le coup de pinceau… La galerie porte bien son nom, ici, tout est question de bonheur! Les décisions guidées par l’amour réel de la clientèle, des artistes et un soupçon de folie!

Dans les nombreuses salles, sur les deux étages de la ­maison d’aspect cossu, mais assurément pas « collet monté », ce sont plus de 45 ­artistes canadiens qui se succèdent, dictant le rythme de la visite et suscitant, d’un ­espace à l’autre, l’étonnement.  Art figuratif et semi-figuratif d’artistes à la main assurée et au style bien maturé laisse place à la rencontre et au coup de cœur.

« Ce qui était une petite collection de verre antique est devenue une passion pour mes parents… Leur maison en était pleine alors un jour mon père a levé les yeux vers le haut des portes de la galerie et a eu l’idée folle d’y installer des tablettes en hauteur. Les gens croient que la collection est à vendre, mais non, c’est un clin d’œil familial… et qui fait jaser! Ça suscite la discussion, rappelle des souvenirs, et surtout ça démontre bien notre façon d’être en affaires : passionnés, ludiques et authentiques! » C’est à travers des anecdotes comme celle-ci que Marie-Ève présente sa famille et la galerie, qui est dorénavant sienne, fondée par ses parents il y a 36 ans, d’abord entre les murs du Manoir ­Richelieu puis dans cette maison qui n’a de petit que le nom avec ses 6000 pieds carrés d’exposition, répartis en 15 salons, sur deux étages. Une galerie comme on en voit peu, d’un océan à l’autre, sur le vaste territoire canadien. Une grande galerie, mais surtout de grands galeristes, alors que c’est un héritage transmis de père en fille que cette façon de travailler avec cœur et passion. Ici l’adage « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » n’a pas sa place tant les deux générations ont évolué de pair, bâtissant ensemble un projet un peu fou, celui de présenter et de vendre des coups de coeur. On y travaille en complicité avec l’artiste, avec engagement et implication, guidé par l’envie sincère d’aider ­celui-ci à bâtir une carrière sur du long terme. Ici ­«on met nos tripes sur la table » pour les artistes avec lesquels on travaille, encourageant la création et la recherche, achetant les œuvres présentées en de larges collections, voulant offrir un accompagnement vers l’épanouissement du talent… Une vision « so refreshing! » pour la quarantaine d’artistes peintres et ­sculpteurs canadiens qui font partie, à l’heure actuelle, de l’aventure du P’tit Bonheur. Attachée à la figuration, la galerie en propose une telle variété, autant renouvelée que classique, aux langages artistiques forts et affirmés, que chacun y trouve assurément son petit bonheur!

Tantôt les bouilles d’enfants s’adonnant à mille activités dans les ­tableaux de Guylène Saucier, si attachants qu’on ne peut qu’avoir envie de leur choisir un prénom et de les ramener à la maison… ah! Comme le petit bonheur de la chanson justement!

Tantôt ce sont chevaux,  ­chevreuils, ours et loups, au tracé expressif et sensible, guidé par une grande connaissance autant du médium que de l’animal, qui semblent ­apparaître sur les grands canevas de Shannon Ford, dégageant une aura presque mystique alors que pierres ­semi-précieuses broyées se mêlent aux couleurs vibrantes de ces ­portraits animaliers audacieux. De l’ouest canadien, Shannon a été découverte lors d’un évènement par un des autres peintres représentés par Marie-Ève. Celui-ci a tout de suite fait le pont entre les deux et recommandé chaudement l’une à l’autre. Pour ­Marie-Ève, voilà qui vaut de l’or, qu’un de ses artistes les réfère spontanément elle et la galerie familiale : « C’est une très belle preuve de confiance! » Cet autre artiste établi dans l’ouest, eh bien c’est le Québécois d’origine David Langevin. Une des grandes figures du P’tit Bonheur, et pour cause : ses grands pins et ses bouleaux s’épanouissant dans une nature sauvage mouvementée ont tout dans le sujet du fameux Groupe des Sept, et pourtant un traitement moderne où empâtements, jeux de lumière et couleurs vives qui s’apprécient pleinement lorsque Marie-Ève a la bonne idée de tamiser les lumières…

Dans une salle encore, ce sont fleurs, familles de skieurs, musiciens ou ­attroupements de convives qui s’animent sous les longs coups de spatules de Kimberly Kiel maniant l’huile et les couleurs vives avec une passion palpable pour la vie, la fête et l’humain!

Il y a les joyeuses explosions de fleurs sauvages de Jordan Hicks, dont la touche sensible et délicate offre même un certain relief donnant vie au bouquet!

Il y a les écorces de bouleaux éclatantes de Carole Malcolm dans de ­lumineux sous-bois et bords de mer, les paysages puissants de Cameron Bird et combien d’autres encore à ­animer les murs et les salles de ce lieu d’art, de bonheur, de rencontres; à découvrir sans modération!